(Malaise avec l’UPR, rappel à l’ordre du ministère, réponse de Houngbédji, retour sur le feuilleton PRD-UPR)
Le Parti du Renouveau Démocratique (PRD) pourrait bientôt tourner le dos à l’Union Progressiste le Renouveau (UPR), issue de la fusion actée en 2022. Deux ans après ce regroupement stratégique, le parti fondé par Me Adrien Houngbédji ne cache plus son inconfort dans la coalition, et envisage de reprendre son autonomie. Une situation qui provoque des remous aussi bien politiques que juridiques, jusqu’à une sortie formelle du ministère de l’Intérieur.
Malaise profond au sein de la fusion
C’est le secrétaire général adjoint du PRD, Gratien Ahouanmènou, qui a mis les pieds dans le plat ce week-end en annonçant que le parti consulte actuellement sa base pour un éventuel retrait de l’UPR. Cette prise de position publique est venue confirmer les rumeurs d’un malaise ancien, entretenu selon des sources internes par un sentiment d’oubli et de mise à l’écart des militants issus du PRD dans les structures de l’UPR. La décision finale n’a pas encore été actée, mais plusieurs figures du PRD expriment déjà leur préférence pour un retour à l’autonomie, synonyme pour eux de renaissance politique. Une telle perspective, si elle se concrétise, viendrait rebattre les cartes à l’approche des échéances électorales de 2026.
Le ministère réagit : le PRD n’existe plus
La sortie publique du PRD n’est pas passée inaperçue au ministère de l’Intérieur. Dans une note confidentielle adressée aux dirigeants du parti, le ministère rappelle que juridiquement, le PRD a cessé d’exister en 2022 à la suite de la fusion ayant donné naissance à l’UPR. Par conséquent, l’utilisation de ses attributs (logo, nom, cachet, etc.) serait illégale.
Ce rappel à l’ordre, rendu public ce mardi 4 juin par plusieurs médias, est interprété comme un coup de semonce contre toute tentative de résurrection politique unilatérale du PRD.
La réplique de Me Houngbédji
Face à cette sommation, Me Adrien Houngbédji n’a pas tardé à réagir. Dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, l’ancien président de l’Assemblée nationale balaie les arguments avancés par l’administration. Il conteste l’idée selon laquelle la fusion aurait entraîné automatiquement la disparition juridique du PRD.
Dans son argumentaire, Houngbédji affirme que le PRD n’a jamais été formellement dissous par ses instances statutaires et que sa structure organique reste intacte. Il ajoute que le processus de fusion n’a pas abouti à une perte d’identité mais à un simple partenariat politique, aujourd’hui en redéfinition.
Quelle suite pour le paysage politique ?
Le débat sur l’existence ou non du PRD dépasse la simple question administrative. Il soulève une interrogation plus large sur la gestion des alliances au sein de la mouvance présidentielle et sur les marges de manœuvre laissées aux partis membres dans les grandes coalitions.
En cas de retrait officiel, le PRD pourrait reprendre son activité politique de manière indépendante et chercher à peser à nouveau sur les scrutins à venir, notamment les législatives ou la présidentielle de 2026. Certains analystes évoquent même un éventuel retour de Houngbédji comme faiseur de roi dans les années à venir.
Une fusion trop vite consommée ?
Le feuilleton PRD-UPR met en lumière les failles des regroupements politiques opérés dans l’urgence, souvent sans réelle intégration organique. Le cas du PRD relance donc la réflexion sur la durabilité de ces fusions partisanes au Bénin et sur la nécessité de ménager les sensibilités historiques des partis à forte identité.
Voici ci-dessous l’intégralité de la lettre du président Adrien Houngbèdji au Ministre de l’intérieur et de la sécurité publique.
V/Réf. :760/MISP/DC/SGA/DPPAE/SA
Porto-Novo, le lundi 02 juin 2025
Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique
Cotonou
Objet: Rappel à l’ordre pour usage illégal de nom et attributs de parti politique
Monsieur le Ministre,
En lien avec notre conversation du samedi 31 mai 2025, Gratien-Laurent AHOUANMENOU, destinataire de votre lettre en référence qui lui a été notifiée le 26 mai 2025, a bien voulu me la transmettre; il était fondé à le faire puisqu’il a rédigé et diffusé le communiqué querellé en sa qualité de Secrétaire Général Adjoint (SGA) du Parti du Renouveau Démocratique (P.R.D.) dont je suis le Président. Pièces nº 01 et 02.
Je suis en effet surpris par le contenu de cette correspondance, car écrire que le P.R.D. a cessé d’exister à compter de la date de sa fusion avec l’U.P. est tout à fait contraire à la réalité, au regard des textes et des faits. Et ce, pour quatre (04) raisons au moins.
1º L’accord de fusion sur lequel vous vous fondez, a été signé le 21 août 2022. Or, postérieurement à la signature de cet accord, vous avez délivré au P.R.D., le 26 août 2022, son récépissé définitif. Le P.R.D. qui existait avant le protocole d’accord, a donc continué à exister après. Pièce n° 03
La demande de récépissé définitif a été elle aussi introduite par lettre du 24 août 2022, donc postérieurement la signature du protocole d’accord.
Ainsi, vous avez vous même certifié que la fusion n’a pas mis fin à l’existence du P.R.D.
2º Le protocole d’accord du 21 août 2022 a été signé en vertu d’une résolution du Conseil national du P.R.D. en date du 19 août 2022. Pièce n° 04
Cette résolution indique expressément que le président du P.R.D. est autorisé à signer un protocole d’accord de fusion avec l’Union Progressiste (U.P.), conformément aux dispositions des articles 90 et 91 des statuts du P.R.D.
Ces deux articles énoncent, noir sur blanc, que « les décisions de fusion ne peuvent pas entraîner la dissolution du P.R.D., lequel conserve ses attributs, son patrimoine et son autonomie fonctionnelle, exceptés ceux concédés. Il peut constituer un courant à l’intérieur de la nouvelle formation ». Pièce n° 05
La fusion conclue grâce à une résolution du Conseil national, n’a donc pas eu pour effet de faire disparaître le P.R.D.
Vous ne sauriez l’ignorer puisque les statuts qui contiennent ces dispositions datent du congrès du 19 décembre 2021; lesquels statuts vous ont été régulièrement communiqués au lendemain du congrès, donc bien avant que n’intervienne l’accord de fusion.
3° La disparition du P.R.D. ne peut résulter que d’une décision de dissolution prise par un congrès extraordinaire convoqué à cet effet, votée à la majorité des trois quarts (3/4) des congressistes.
Article 111 des statuts du 19 décembre 2021 : « Le Parti du Renouveau Démocratique, P.R.D., ne peut être dissous que par un congrès extraordinaire régulièrement convoqué… La décision n’est acquise qu’à la majorité des trois quarts (3/4) des congressistes >». Pièce n° 05 Or, il n’y a jamais eu de congrès de dissolution du P.R.D.
Je mets au défi quiconque de produire un procès-verbal de congrès extraordinaire de dissolution du P.R.D. Le dernier congrès du P.R.D. date du 19 décembre 2021 et les statuts adoptés à cette occasion vous ont été communiqués comme dit plus haut. Vous ne sauriez donc ignorer que le P.R.D. n’a pas été dissous.
Au total, c’est en parfaite connaissance de cause que le 26 août 2022, vous avez délivré au P.R.D. son récépissé définitif.
Au demeurant, l’accord signé le 21 août 2022 entre le P.R.D. et l’U.P. est intitulé « acte de fusion >> et non « acte de dissolution >>; l’alinéa dernier de son préambule énonce tout aussi expressément que les deux (02) partis ont décidé de fusionner (et non d’être dissous). Pièce n° 06
Il est à noter que les statuts de l’U.P énoncent eux aussi (art. 142) que la dissolution de I’U.P. ne peut être décidée que par un congrès extraordinaire expressément convoqué et statuant à la majorité des trois quarts (3/4). Pièce n° 07
L’article 111 des statuts du P.R.D. n’est donc pas une spécificité.
4° Aux termes de l’article 29-9 de la loi n° 2018-23 du 17 septembre 2018, portant Charte des Partis Politiques, les statuts doivent comporter l’indication du mécanisme de dissolution d’un parti politique, ou de sa fusion avec d’autres partis politiques. Pièce n° 08
Aussi bien les statuts du P.R.D. (art. 90, 91 et 111) que les statuts de l’U.P. (art 142) contiennent ces indications; elles sont les mêmes: le mécanisme de dissolution est un vote du congrès extraordinaire à la majorité des trois quarts (3/4) des congressistes.
Le congrès est l’organe suprême de délibération du Parti (art. 30 des statuts du P.R.D., art. 63 des statuts de l’U.P.). Le vote de dissolution au sujet duquel une majorité qualifiée est exigée, n’est donc pas une banale formalité administrative, mais au contraire une condition de fond pour rendre effective et valide une dissolution.
Le Président DJOGBÉNOU, Président de l’U.P.R. avait été expressément chargé d’accomplir les procédures administratives consécutives à l’accord de fusion (art. 6 du protocole d’accord). Pièce n° 09
Si dissolution du P.R.D. (et de l’U.P.) Il y avait eu, il lui revenait de l’établir en versant au dossier qu’il vous a soumis, les procès-verbaux des deux (02) congrès de dissolution, ainsi que les extraits du Journal Officiel dans lequel il en a fait la publication.
Force est de constater que le Professeur DJOGBÉNOU ne vous a produit aucune de ces pièces. Il suffit pour s’en convaincre de noter que, ni le récépissé provisoire, ni le récépissé définitif délivrés à l’U.P.R. ne font mention de pareilles pièces dans leurs visas. Pièces n° 10 et 11
Le Professeur DJOGBÉNOU savait donc bien qu’il n’y a pas eu de dissolution du P.R.D.
Quant au Ministère de l’Intérieur, il avait la charge de procéder aux différentes études et analyses pour s’assurer que le dossier qui lui a été soumis est conforme à la loi. C’est en effet lorsqu’il juge le dossier conforme à la loi, que le Ministre de l’Intérieur délivre le récépissé provisoire et plus tard le définitif (art. 19, 20 et 21 nouveau de la loi n° 2018 du 17 septembre 2018).
Vous avez jugé les pièces produites par le Président DJOGBÉNOU complètes et conformes à la loi.
N’y figuraient, ni un procès-verbal de congrès de dissolution du P.R.D., ni un extrait du Journal Officiel relatif à la prétendue dissolution.
Vous avez expressément et exclusivement donné à Monsieur DJOGBÉNOU « acte du récépissé provisoire de déclaration administrative de fusion des partis U.P. et P.R.D. ». De même, vous lui avez expressément et exclusivement donné « acte du récépissé définitif de fusion de l’U.P. et du P.R.D. ».
Le mot << dissolution >> ne figure nulle part sur ces récépissés.
En conclusion, entre la réalité des pièces du dossier et les termes de votre lettre assortie de menaces, le déphasage est tel que, si je ne connaissais pas votre grande droiture, j’aurais pensé à une énième machination pour faire rendre gorge au P.R.D.
En effet, je ne crois pas qu’il soit possible de décréter l’inexistence du P.R.D. par une simple lettre, alors que toutes les pièces prouvent le contraire.
Le jour même où j’ai pris connaissance de votre correspondance (c’est-à-dire le lundi 26 mai 2025), j’ai suggéré au Président DJOGBÉNOU que nous mettions amiablement fin à cet imbroglio par la révocation de l’accord du 21 août 2022 et la recherche d’une autre forme collaboration entre nos partis; la loi électorale ouvre des perspectives à ce sujet.
Cette solution m’a paru la plus adéquate, car pratiquement trois (03) ans après la signature du protocole d’accord, I’U.P.R. continue d’évoluer en marge de la loi n° 2018-23 du 17 septembre 2018 modifiée par la loi n° 2019-41 du 15 novembre 2019 portant Charte des Partis Politiques: pas de congrès constitutif, pas de dissolution de ses deux (02) composantes P.R.D. et U.P., pas de dirigeants élus, etc. ce qui fait dire que l’U.P.R. est une simple association de fait incompatible avec les exigences de la Charte.
Je suis disposé à rechercher avec le Président DJOGBÉNOU toute autre forme de collaboration qui serait conforme à la loi, reconnaîtrait l’existence du P.R.D. et garantirait ses intérêts.
Après l’épisode du « doublon» qui a permis de disqualifier le P.R.D. aux élections législatives du 28 avril 2019, et dans lequel son rôle ne fut pas des moindres, le Professeur DJOGBÉNOU ne saurait cette fois ci, sous le couvert de votre lettre, faire disparaître le P.R.D. ni paralyser ses activités, alors qu’il est établi qu’il a failli à son obligation de vous fournir les pièces établissant la dissolution prétendue de ce parti.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique, l’expression de ma parfaite considération.
Adrien HOUNGBÉDJI
Le Président
✍️ Moubarack ASSOUMBOLO
