(Et pourtant le Bénin dispose bien des textes de lois qui régissent le domaine)
La publication anarchique et incontrôlée de photos, images ou vidéos d’autrui, qu’il s’agisse d’adultes ou de mineurs, sans leur consentement, est devenue une pratique courante sur les réseaux sociaux au Bénin. Pourtant, les lois de la République répriment ces actes, mais peu de personnes en parlent, et les autorités semblent passives. Que faire face à ces violations répétées des droits individuels ?
Une violation flagrante des droits à l’image et à la vie privée
Quelle que soit la faute qu’un individu peut commettre, sa photo ou sa vidéo ne peut être publiée sans son accord, conformément aux lois en vigueur au Bénin. Pourtant, des images choquantes circulent librement sur les réseaux sociaux, sans que les autorités compétentes ne réagissent systématiquement. Un cas récent illustre cette dérive : la semaine dernière, des photos et vidéos d’un jeune garçon de 18 ans accusé d’avoir eu une relation inappropriée avec sa propre mère ont inondé les réseaux sociaux. L’identité du jeune homme a été révélée, violant ainsi ses droits fondamentaux. Mais au lieu d’être protégée, la victime de cette atteinte à la vie privée est exposée à l’opprobre public. Quel avenir pour ce garçon, désormais stigmatisé ?
Le lynchage médiatique : une justice sauvage et dangereuse
Il est préoccupant de constater que certains citoyens se constituent en tribunaux populaires. Lorsqu’un individu est accusé, au lieu de suivre la procédure légale, des groupes prennent l’initiative de le filmer et de diffuser les vidéos en ligne. Dans de nombreux cas, les accusés sont soumis à des pressions, harcelés par plusieurs personnes à la fois, rendant toute défense impossible. Pire encore, ces scènes sont souvent enregistrées et diffusées sans retenue. Cette forme de « justice » sauvage ne respecte ni les droits des accusés ni les principes de la présomption d’innocence.
D’autres pratiques tout aussi inquiétantes se développent :
Le chantage à l’image : certaines personnes utilisent des montages pour salir la réputation d’autrui, allant jusqu’à superposer un visage sur des images compromettantes grâce à l’intelligence artificielle.
L’arnaque à la webcam : des individus se font passer pour des femmes séduisantes, engagent des conversations vidéo avec leurs victimes et les incitent à des actes intimes avant de les faire chanter avec les enregistrements.
Les conséquences désastreuses pour les victimes. Les sanctions prévues par la loi sont pourtant claires :
Filmer ou photographier une personne dans un lieu privé sans son consentement est passible d’un an d’emprisonnement et de lourdes amendes.
Publier ces images sans autorisation est également réprimé.
Mais au-delà des peines légales, l’impact social est immense. Une victime de diffamation numérique peut voir son avenir compromis : difficultés à trouver un emploi, rejet de la société, humiliation publique et détresse psychologique. Dans le cas du jeune accusé d’adultère, sa réputation est irrémédiablement entachée. Qui voudra l’employer ou même l’accepter dans son entourage après une telle exposition ?
Quelle protection pour les mineurs ?
Le droit à l’image est protégé par l’article 9 du Code civil, qui garantit à chacun le respect de sa vie privée. Pour les mineurs, la situation est encore plus délicate :
Les parents sont censés protéger le droit à l’image de leurs enfants. Mais que se passe-t-il lorsque ce sont les parents eux-mêmes qui sont impliqués dans l’affaire ?
Les mineurs victimes de publications abusives ont le droit de porter plainte et d’exiger des réparations.
Sensibilisation et responsabilité collective
Il est urgent de mieux sensibiliser les citoyens béninois sur les risques et les conséquences légales de ces pratiques. Beaucoup ignorent qu’en partageant une vidéo illégale, ils encourent les mêmes sanctions que celui qui l’a initialement publiée.
Les réseaux sociaux ne doivent pas devenir des tribunaux populaires. Toute accusation doit être portée devant les autorités compétentes, et non exposée en ligne. Il revient aux pouvoirs publics d’agir avec fermeté pour décourager ces dérives et protéger les victimes.
Le cas du jeune accusé d’adultère illustre parfaitement les dangers d’un usage irresponsable des réseaux sociaux. En plus de son humiliation publique, il subira une exclusion sociale quasi définitive. La société béninoise doit prendre conscience de ces dangers et cesser de faire de la vie privée d’autrui un spectacle.
Le respect des lois et des droits fondamentaux doit primer sur la soif de scandale et la justice populaire. La sensibilisation et l’application stricte des sanctions sont essentielles pour freiner ces abus.
Ce que dissent les textes
La publication anarchique et non autorisée de photos, images ou vidéos de tierces personnes, qu’elles soient adultes ou mineures, sans leur consentement, constitue une violation des lois de la République du Bénin. Malheureusement, ces infractions passent souvent inaperçues, sans que des mesures appropriées ne soient prises. Comment remédier à ces violations ?
Protection légale du droit à l’image et de la vie privée au Bénin
Le droit à l’image est un droit de la personnalité qui permet à toute personne de s’opposer à l’utilisation de son image sans son autorisation. Au Bénin, ce droit est protégé par la Loi n° 2015-07 portant code de l’information et de la communication. Selon cette loi, toute personne dont l’image est exploitée sans son autorisation est en droit de réclamer des dommages et intérêts.
Sanctions prévues par le Code du numérique
La Loi n° 2017-20 portant code du numérique en République du Bénin encadre également les infractions liées à l’utilisation abusive des technologies de l’information. Bien que le texte intégral de cette loi ne soit pas disponible dans les sources consultées, il est important de noter que le Code du numérique béninois prévoit des sanctions pour les infractions commises via les communications électroniques, y compris le harcèlement et la diffusion non autorisée d’images ou de vidéos.
Rôle de l’Autorité de protection des données à caractère personnel (APDP)
L’Autorité de protection des données à caractère personnel (APDP), anciennement connue sous le nom de Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), est une autorité administrative indépendante au Bénin. Elle est chargée de veiller à ce que l’informatique ne porte pas atteinte à l’identité humaine, aux droits de l’homme, à la vie privée ou aux libertés individuelles ou publiques. L’APDP joue un rôle crucial dans la protection des données personnelles et peut être sollicitée en cas de violation du droit à l’image.
Recommandations face aux violations
Il est essentiel que les citoyens béninois soient sensibilisés aux lois encadrant la diffusion d’images et de vidéos sur les réseaux sociaux. Les autorités compétentes, telles que l’APDP et l’Office central de répression de la cybercriminalité (OCRC), doivent renforcer les actions de formation et d’information pour prévenir ces dérives. Les victimes de telles violations sont encouragées à porter plainte afin que des mesures appropriées soient prises contre les auteurs de ces infractions.
En conclusion, la diffusion non autorisée d’images ou de vidéos constitue une atteinte aux droits fondamentaux des individus au Bénin. Il est impératif que chacun prenne conscience des implications légales de telles actions et respecte le droit à l’image et à la vie privée d’autrui.
✍️ Joseph MENSAH
