Depuis jeudi 15 mai, l’actualité béninoise est dominée par un nouveau scandale politico-judiciaire : l’arrestation du président du Parti Le Libéral, Richard Boni Ouorou. L’homme est soupçonné d’avoir versé des pots-de-vin à deux agents du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique dans le cadre de l’obtention du récépissé définitif de son parti fraîchement créé.
Les communiqués successifs du ministère de l’Intérieur, du Haut Commissariat à la Prévention de la Corruption et la sortie du procureur spécial de la CRIET, Mario Mètognon, témoignent de la fermeté avec laquelle l’État béninois entend combattre la corruption, quelle qu’en soit la forme ou le protagoniste.
La question qui se pose dès lors est simple : la légendaire générosité de Richard Boni Ouorou l’a-t-elle conduit à franchir la ligne rouge ? Est-il tombé dans un piège politique ou s’est-il laissé entraîner par naïveté et amateurisme dans un monde où chaque acte est finement scruté ? C’est là tout l’enjeu de cet éditorial.
Entre don et soupçon
Depuis 2016, la vie politique béninoise a changé de visage. Fini le temps où l’argent coulait à flot les veilles de scrutin. Les « gros gombos » du vendredi soir se sont évaporés, laissant place à une austérité assumée. Dans ce contexte, Richard Boni Ouorou est arrivé comme un ovni. Son style direct, sa philanthropie, ses prises de parole médiatisées et ses distributions de dons – des repas aux fans, des ordinateurs aux radios, des aides diverses aux démunis – ont très vite attiré l’attention.
Le « Canadien », comme certains l’appellent, a bousculé les codes par sa générosité affichée. Mais le don devient suspect lorsqu’il touche les rouages administratifs, surtout dans un processus aussi sensible que l’enregistrement d’un parti politique. Peut-on tout offrir, y compris à des fonctionnaires, sans franchir la ligne ? La justice tranchera.
De l’amateurisme en politique
Le monde politique est impitoyable. La moindre faille devient un abîme. Et dans ce théâtre d’ombres, l’erreur coûte cher. Si les faits de corruption sont avérés, Richard Boni Ouorou aura, sans doute, signé sa propre disqualification politique.
Comment un intellectuel, politologue averti, aspirant un jour à la magistrature suprême, a-t-il pu manquer de discernement au point de confondre générosité privée et interdits administratifs ? Cette affaire nous rappelle celle de François Fillon, en France, dont la campagne présidentielle fut brisée net par une affaire de costumes.
Au Bénin, ce n’est pas la première fois que la justice frappe à la porte des puissants. Plusieurs cadres, même proches du régime, ont déjà été jugés et condamnés. Richard Boni Ouorou n’échappera pas à cette rigueur s’il est établi qu’il a franchi la ligne de la légalité.
La fin d’un rêve prématuré ?
En somme, cette affaire soulève une fois encore la délicate frontière entre don sincère et acte corrupteur. Elle révèle aussi le besoin, pour les nouveaux venus en politique, de maîtriser les codes d’un univers où la vertu se mesure moins à la générosité qu’à la rigueur morale.
Si l’homme est reconnu coupable, il paiera le prix fort. Si non, il lui faudra réparer une image déjà entachée. Quoi qu’il en soit, l’affaire marque un tournant : celui où l’élan d’un homme bienveillant pourrait, par imprudence ou excès de confiance, se heurter à la rigueur de la loi.
