L’homme n’a pas changé et le style non plus. Au fur à mesure que les appels se multiplient pour une relecture du code électoral avant les élections générales de 2026, le chef de la majorité présidentielle a une fois de plus exprimé son non catégorique vantant au contraire les mérites de celui-ci. Pour une dernière fois le locataire de la Marina a clairement exprimé son opposition a cette aventure, comme avant lui, plusieurs ses sympathisants.
Patrice Talon ne veut pas se laisser distraire, et ce n’est pas les yeux doux d’une poignée d’homme, experts soient-ils qui vont le faire fléchir. En s’adressant à ses hôtes le Chef de l’État s’adressait également à l’Opposition, à la nation et à toutes les entités ayant appelés à cette relecture. Alors qu’il recevait en audience les membres du Comité de pilotage de l’audit du fichier électoral, désignés par le Cadre de concertation de l’Opposition, Patrice Talon est revenu sur cette préoccupation, continuellement exprimée par les acteurs politiques de l’Opposition à savoir, la relecture du code électoral dont ils jugent les dispositions crisogènes. Pour le chef de l’Etat, il n’en est rien. “J’ai dit au président Yayi Boni que j’ai reçu avec les Démocrates, que je comprends bien que politiquement, ils veuillent des modifications du dispositif électoral notamment le code. Et vous savez que je n’étais pas favorable à une revue du code électoral, et à de soi-disant assises nationales”, a-t-il indiqué à ses invités, avant d’ajouter que le pays va bien et se porte bien. Il poursuit: “Nous sommes allés aux élections récemment en 2023, pour les législatives. L’opposition qui a accepté d’y participer, a gagné des sièges autant que l’un des partis de la Mouvance. Le nombre de députés Démocrates est égal au nombre de députés du Bloc républicain. Ça veut dire que notre système fonctionne, et il suffit qu’on arrête de nous soupçonner les uns, les autres, pour que notre efficacité se révèle. L’élection des Démocrates a montré que c’est à tort qu’on pensait que l’ancien code était fait pour exclure les gens”. Pour Patrice Talon, c’est donc pareil pour le nouveau code en vigueur, qui fait l’objet de beaucoup d’appréhensions, parce qu’il se dit que c’est également fait pour exclure des gens. “Je dis au contraire, c’est pour renforcer le système partisan, pour contraindre les acteurs politiques à se mettre ensemble, pour créer de grands partis. Cette contrainte vaut à la fois pour l’Opposition que pour la Mouvance. Si les partis de la Mouvance se disloquent, ils vont perdre les élections. Si les partis de l’Opposition ne se rassemblent pas, ils vont perdre les élections. Moi, je suis dans une dynamique de construction”, a indiqué le président Patrice Talon, qui prévient déjà de ce que l’audit de la liste électorale, qui est d’intérêt général, ne soit pas un prétexte pour rebondir sur la contestation du code électoral. Les acteurs politiques tous bords confondus savent à quoi s’en tenir, pour autant que le code sera le même pour tous. Et ne pas se convaincre de la détermination de Patrice Talon pour poursuivre dans le sens de la mise en œuvre de la réforme du système partisan, c’est mal connaître le locataire du Palais de la Marina. “Le système partisan tel qu’il était et le modèle politique dans lequel nous étions, le modèle de compétition politique, ne permettaient pas la bonne gouvernance et occupaient les uns et les autres constamment dans l’arène politique au détriment de la gouvernance du pays. Nous avons dit également qu’il fallait réduire l’envergure des chapelles politiques pour qu’il y ait plutôt de la cohérence dans l’action de gouvernance de ceux qui accèdent au pouvoir. Aujourd’hui, cette réforme est un succès. Nous avons vu qu’il y a moins de partis politiques et les groupes sont plus homogènes. L’Assemblée nationale aujourd’hui comporte trois partis politiques, et si les choses continuent ainsi, nous aurons à l’avenir peut-être maximum quatre ou cinq partis au plus au Parlement”, avait déclaré le chef de l’Etat dans un entretien accordé aux médias le 23 décembre 2023.
Probables Conséquences
Le refus catégorique du président Patrice Talon d’ordonner la relecture du code électoral au Bénin pourrait avoir plusieurs conséquences, tant sur le plan politique que social et institutionnel. Voici les principales :
1. Maintien des tensions politiques avec l’opposition
L’opposition, qui réclame la relecture du code électoral en raison de certaines dispositions qu’elle juge « crisogènes » (génératrices de crises), risque d’intensifier sa contestation. Ce refus peut être interprété comme une volonté du pouvoir en place de verrouiller le jeu électoral, alimentant ainsi les soupçons de marginalisation de certains acteurs politiques.
2. Frustration et démobilisation d’une partie de la classe politique
Si l’opposition estime que les règles du jeu électoral ne lui sont pas favorables, certains partis ou leaders pourraient décider de boycotter les élections de 2026, comme cela a été le cas lors des législatives de 2019. Cela pourrait entraîner une faible participation et remettre en cause la crédibilité du scrutin.
3. Risques de crise pré-électorale et post-électorale
L’histoire politique récente du Bénin a montré que des tensions autour des règles électorales peuvent déboucher sur des crises graves (manifestations, répressions, violences). Si l’opposition et une partie de la société civile continuent de juger le code électoral injuste, des troubles pourraient survenir à l’approche des élections.
4. Renforcement du système partisan voulu par Talon
En refusant toute modification, Patrice Talon pousse les partis politiques à se structurer autour de grands blocs. Cela pourrait, à long terme, aboutir à une stabilisation du paysage politique avec moins de formations politiques dispersées. Toutefois, cette consolidation ne sera acceptée que si les partis d’opposition se sentent inclus dans le processus démocratique.
5. Impacts sur la perception démocratique du Bénin
Le Bénin a longtemps été considéré comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest. Un refus absolu de modifier le code électoral, malgré des demandes insistantes, pourrait ternir cette image auprès des partenaires internationaux et des organisations de défense de la démocratie. Cela pourrait affecter la coopération et même l’attractivité économique du pays.
6. Une incertitude sur l’après-Talon
Le président Talon ayant affirmé qu’il ne briguerait pas un autre mandat, la rigidité du code électoral pourrait impacter son propre camp politique après son départ du pouvoir. Un code trop strict pourrait limiter la marge de manœuvre de ses successeurs et compliquer la transition politique.
En conclusion : Un pari risqué
Le refus de Patrice Talon de réviser le code électoral est un pari politique audacieux. S’il parvient à maintenir la stabilité et à convaincre que le système actuel est juste, il renforcera son héritage politique. Mais si les tensions s’accroissent, cela pourrait plonger le Bénin dans une crise électorale majeure.
Tout dépendra donc de la capacité des différents acteurs à gérer le dialogue politique dans les mois à venir.
✍️ La Rédaction
